Une des particularités de l’Homme par rapport aux autres animaux est sa capacité à utiliser des énergies externes. Les hommes préhistoriques utilisaient déjà le feu pour se chauffer, cuire les aliments ou confectionner des outils. Aucun animal n’utilise le feu, ni aucune autre source d’énergie externe (à eux-mêmes). On pourrait presque prendre cette capacité comme la différentiation majeure entre l’Homo Sapiens Sapiens (nous) et les autre espèces d’animaux. Ce qui nous différencie n’est ni la langage (les animaux aussi communiquent), ni le rire (les singes rient aussi) ni l’usage d’outils (les castors en utilisent), mais seul l’Homme utilise le feu.
L’utilisation d’énergies externes a encore été accéléré lors de la révolution industrielle à la fin du XVIII-ième siècle avec l’invention de la machine à vapeur moderne par James Watt en 1781. Depuis, le charbon a été complété par le pétrole puis le gaz naturel, toutes trois formées de hydrocarbures – composés d’atomes de carbone et d’hydrogène – qui brûlent en présence de l’oxygène de l’air, comme le bois mais en plus concentré. La croissance de la consommation d’énergie a été en progression régulière jusqu’à la II-ième guerre mondiale, essentiellement sous forme de charbon, et la croissance a accéléré depuis sous toutes ses formes : pétrole, gaz, hydroélectrique et nucléaire (voir graphique ci-bas, source J-M Jancovici). On voit que environ 90% de l’énergie mondiale consommée vient de sources hydrocarbures fossiles (charbon, pétrole, gaz), et 10% vient de renouvelables et du nucléaire.
Notre société industrielle est bâtie sur l’utilisation d’énergie, que ce soit pour les transports, l’industrie, le chauffage, mais aussi la nourriture, la construction, ou les loisirs. Vous-mêmes lisez cet article probablement sur un ordinateur ou un téléphone en surfant sur Internet, choses qui ne fonctionneraient plus sans énergie.
Malheureusement, nous savons depuis la théorie de Hubbert que toute ressource minière finie passe par un pic d’extraction, qui arrive environ à la moitié de le réserve disponible. Passé ce pic, l’extraction de la ressource devient plus difficile, décline, puis se tarit. Le pétrole n’y échappera pas, et on nomme ce phénomène le peak-oil. La date de ce pic n’est pas connue, mais selon l’Agence Internationale de l’Energie, le maximum d’extraction du pétrole brut léger a été atteint en 2006. Depuis, d’autres sources de pétrole non-conventionnel se sont ajoutés à la production mondiale – le gaz de schiste par exemple – mais la production mondiale de pétrole stagne depuis environ 10-15 ans. (voir figure ci-bas)
Si l’on extrapole l’extraction de pétrole à l’avenir, nous pouvons déduire que nous avons extrait environ la moitié du pétrole disponible, et que le temps de l’énergie abondante est derrière nous. La fin du pétrole – et des sources de carbo-hydrates fossiles en général – ne sera pas instantané comme un robinet qu’on ferme, mais sera progressive : il y en aura de moins en moins et de plus en plus cher.
Mais alors, vu que notre société technologique dépend de l’énergie abondante, comment allons-nous faire ?
La première réponse est qu’il va falloir réduire notre consommation. Une partie de la consommation est gaspillée, on pourra donc réduire nos dépenses d’énergie simplement en optimisant nos dépenses et sans réduire notre bien-être.
Une deuxième réponse est qu’une part de cette énergie pourra être remplacée par des sources d’énergie renouvelables, mais nous constatons déjà que cela ne suffira pas, et que ces énergies sont intermittentes et ne permettent pas à une société évoluée de fonctionner de manière fiable tout au long de l’année. De plus, beaucoup de sites d’énergie renouvelable sont déjà exploités – barrages hydroélectrique, éoliennes, marémotrice – et nous exploitons probablement déjà une grosse partie de ce qui est disponible : nous ne pourrons pas multiplier les énergies renouvelables par dix pour compenser le manque d’énergies fossiles. Les cellules solaires photovoltaïques seront aussi une solution, mais elles ne serviront à rien en hiver sous les nuages.
Il reste alors le nucléaire. C’est une source d’énergie abondante, disponible, avec des réserves pour plusieurs siècles.
On ne peut pas nier que l’énergie nucléaire présente aussi des défauts : depuis Tchernobyl (1986) et Fukushima (2011) nous savons que les centrales nucléaires peuvent être dangereuses. Mais ces accidents ont aussi montré que les retombées de ces accidents sont moins dramatiques que ce qu’on redoutait. On ne peut certes pas exclure des actions terroristes avec des conséquences très graves, mais ce n’est pas propre aux centrales nucléaires : un barrage qui romp au dessus d’une grande ville fera autant de dégâts !
Toutes les centrales nucléaires du monde fonctionnement sur le même principe de l’Uranium 235 enrichi, développé après la deuxième guerre mondiale car ils avaient une double fonction: civile pour l’énergie et militaire pour les bombes atomiques. Le danger de cette technologie est connue, mais pourrait être réduit avec d’autres technologies du nucléaire.
La France en particulier a travaillé sur une autre forme de centrale nucléaire, les surrégénérateurs, qui utilisent de l’Uranium 238, beaucoup plus abondant, dans les centrales nucléaires « Phénix » et Super-Phénix ». Ces centrales étaient des démonstrateurs technologiques, et en tant que tels ont montré la faisabilité de ces centrales. D’autres types de centrales ont été proposées, comme le Rubiatron qui utiliserait un accélérateur de particules pour alimenter une centrale ce qui la rendrait absolument sûre, ou l’utilisation de Thorium beaucoup plus abondant que l’Uranium.
On doit aussi citer les centrales nucléaires à fusion, mais leur faisabilité n’a pas encore été démontré.
Les déchets nucléaires posent sans aucun doute un problème pour l’avenir, et nos enfants pourraient nous reprocher de leur laisser nos saletés. Ce n’est certes pas charitable de leur laisser une planète plus sale que celle que nous avons trouvées. Mais ce serait encore moins charitable de leur laisser une société moyenâgeuse sans les technologies que nous connaissons. Et ce d’autant-plus que d’autres pays ne se gêneront pas pour développer des centrales nucléaires.
Si aujourd’hui nous refusons de développer d’avantage l’énergie nucléaire, nos enfants n’auront plus à leur disposition les facilités technologiques que nous avons connues – hôpitaux, pompiers, transports, nourriture, communication… – et seront écrasés par le savoir-faire et les technologies de pays ailleurs sur la planète. Si nous n’investissons pas dans le progrès nucléaire, nos enfants seront comme des Indiens face à des Conquistadores. Ils n’auront même pas d’environnement propre en échange puisque les pays plus malins et plus puissants déverseront leurs déchets nucléaires ici : nos enfants seront donc doublement perdants !
La France a une avantage énorme avec le savoir-faire du nucléaire, abandonner cette filière serait une politique criminelle envers nos enfants.